garage

MST Kano, Nigeria (part I).

MST comme Meat & Star Trip.

Meat c’est les suyas, les pintades ou les poulets grillés mais aussi le 404 – nom de code de la viande de chien durant la guerre du Biaffra – et la tête de chèvre aux herbes amères.
Star (green bottle) c’est une des bières mythiques du Nigeria et de quelques pays limitrophes. Pour changer on peut prendre Gulder (brown bottle) ou Guinness qui est good for you parce que black is beautiful.

star et gulder

Une ballade à Kano c’est un peu compliqué, vu que la plupart du temps la température n’incite pas vraiment à la randonnée. Et s’il n’y avait que la température…  Le fait même de marcher est limite suspect, surtout si tu es blanc : si tu es blanc et que tu marches, d’autres blancs vont s’arrêter et te proposer un drop, TOUS les taxis, moto ou voiture, professionnels  et amateurs, à plein temps ou pigistes, vont aussi s’arrêter. Résultat : quand tu as un véhicule, tu l’utilises.
Ce parcours est donc réalisable à pied certes, mais une 125, une coccinelle ou un 4X4, un minibus ou une 504 – en gros n’importe quel véhicule - le rendra nettement plus sympa. L’âne aussi c’est pas mal et ça peut amener de bons échanges si tu essaies de le garer sur le parking de lieux supposés sélect. Le chameau également, on en trouve à l’occasion.

On aura pris soin, au préalable, à Paris, d’avoir rempli en quatre exemplaires les quelques pages de renseignements personnels nécessaires à l’obtention du visa, fourni les photos d’identité exigées, payé les frais de visa au  173 de l’avenue Victor Hugo, récupéré son passeport avec une page vierge en moins ; d’avoir effectué ou renouvelé la vaccination obligatoire contre la fièvre jaune ;   et d’avoir  (re)pris contact avec quelques amis sur place, au Nigeria,  susceptibles de faciliter ses mouvements.
Tout ça pour dire que la suggestion de ballade qui suit s’adresse à un public éveillé à défaut d’être averti.

Dégringolant de l’avion à Aminu Kano International Airport, une fois les politesses protocolaire et d’usage échangées avec nos nouveaux amis douaniers, policiers, militaires, vétérinaires, services spéciaux et médicaux, chauffeurs de taxis, vendeurs de kilishis, pure water ou Coran, on peut direct se rendre au village de Fanisao. Comme le chemin passe en bout de piste, on peut avoir la chance de voir atterrir  un avion à quelques   mètres au-dessus de nos têtes. Spectacle rare lorsqu’il s’agit d’un 747, exquis tant dans ses dimensions sonore que visuelle. 
dromadaires
soldier
Il conviendra donc de vérifier au préalable les horaires et d’organiser la balade en accord, quitte à faire une pause au mess des officiers de  l’Air Force ou de Bukavu Barracks s’il y a quelques heures à attendre (le facteur temps a peu d’importance dans l’ensemble de ce récit : pas la peine d’essayer d’estimer le temps passé à chacune des pauses et de tenter de faire rentrer tout ce programme dans les heures ouvrables.  Mais attention ! Méfiez-vous des risques de dérive façon dinde au whisky).  Choix de bières et sodas selon les arrivages, possibilité de chien chaud à Bukavu : délicieux ragout du meilleur ami de l’homme servi dans des assiettes de tôle émaillée produites dans la fabrique locale qui, vous dira t’on, emploie mille Chinois et arrose toute l’Afrique de l’Ouest.

Fanisao est un riant village assoupi sous 40° bien tapés ou un peu moins, en cas d’harmattan. Particularité de la région, ce dernier est le résultat de vents venus du Nord – du Sahara – et logiquement chargé de sable. Ça peut rappeler des ciels d’hiver où le soleil disparaît dans la brume ou de désuètes photos de David Hamilton, la poussière beige qui s’accroche aux poils rend les visages assez photogéniques. Mais ça brouille les liaisons radio et empêche les avions de voler, ça entraîne des infections ophtalmiques et n’arrange rien pour les asthmatiques…

  faniasao

  Bien organisés comme un peu partout en Afrique de l’Ouest en tous cas, les gens du village ont eu vent de votre arrivée et organisé  un accueil chaleureux avec deux – peut être trois – centaines d’enfants entre deux et quinze ans. Vous pourrez donc commencer la distribution des stylos ou des bonbons que vous aurez préalablement stockés et charriés. Mais au cas où vous ne soyez pas sûr de trouver sur le champ les moyens d’assurer une distribution strictement équitable, abstenez-vous : ce serait bien pour les plus forts et les moins timides des bambins, moyen pour les plus menus et les moins hardis.

kano hill
Fanisao, donc, est l’un des lieux traditionnels de villégiature de l’Emir de Kano. Traditionnel, ça veut dire qu’il y va une ou deux fois par an, à cheval, comme dans les temps et même par mauvais temps. C’est comme ça. Sinon, il échange des idées avec ses voisins de première classe sur les vols intercontinentaux ou se promène parmi ses sujets dans l’une de ses deux Rolls-Royce. Vous pourrez donc admirer les murailles entourant la résidence secondaire de l’Emir à Fanisao. Elles font dans les trois ou quatre mètres de haut, sans créneaux ni ouvertures en dehors du portail de métal peint en vert. La résidence est facile à trouver : les autres logis du village n’ont pas de murailles pour les entourer.  

Fanisao est dominée par une colline, lentement transformée en habitations car source essentielle à laquelle est arrachée la terre qui, séchée au soleil dans des moules rectangulaires, deviendra les moellons. L’effort en vaut la peine : du haut de cette colline, et par-dessus les têtes de la nuée d’enfants, on découvre le vaste paysage de la savane arborée avec au loin la ville de Kano

…Prochainement : immersion dans cette cité millénaire, capitale du nord du Nigeria, étape majeure des caravanes transsahariennes, comme en attestent les plaques d’immatriculation des véhicules qui portent la mention « Centre of Commerce », et dont la population varie selon les estimations entre trois et cinq millions d’habitants…

Jean-Michel Rousset